La plainte des sapeurs-pompiers lillois en est le dernier exemple et apparaît l’un des plus frappants. Confrontés régulièrement au danger pour sauver des vies et préserver des biens, il est insupportable que les soldats du feu mais également tout intervenant de secours ou d’assistance soient exposés au risque amiante sans protection et surtout sans information. Constater que des pompiers s’exposent sans le savoir à un risque mortel d’inhalation de fibres d’amiante dans l’exercice de leurs missions est intolérable surtout que l’information existe mais ne leur est pas accessible. Pourtant, on connaît les bâtiments où le risque amiante est présent, mais nous ne sommes apparemment pas encore capables d’en regrouper les données en une base cartographique des constructions susceptibles de receler de l’amiante. A l’heure où tout DPE (Diagnostic de Performance Energétique) est automatiquement transféré dans une base de données nationale, aucune collecte de ce genre ne se fait sur l’amiante alors que le risque est réel, bien plus grave que la classe énergie d’un logement. Une cartographie du risque amiante accessible en temps réel sur un simple smartphone à l’image des cartographies existantes (radon, risques naturels…) rendue publique sécuriserait les interventions des sapeurs-pompiers ou autres intervenants s’équipant alors en fonction. Il suffirait de presque rien pour que cette base cartographique amiante existe et soit publique, et ce n’est même pas qu’une question d’argent !
Le risque amiante n’est pas partout mais il existe
L’idée de base de la cartographie du risque amiante ressemble parfaitement à celles de la cartographie des zones d’émissivité en radon et des risques naturels et technologiques. Tout comme les zonages radon et les PPR (Plan de Prévention des Risques), les informations qu’ils contiennent sont publiques, accessibles à tous que ce soit sur un site internet (IRSN, GéoRisques….), en préfecture ou en mairie ce qui est le cas également du cadastre. Or sur le cadastre notamment, mais pas seulement (GéoFoncier, Fisc…), figurent des informations détaillées telles que l’année d’édification d’un bâtiment ou d’une portion de voirie et, selon les différentes bases publiques les résultats des diagnostics immobiliers (DPE, Diagnostic Technique Amiante, DAPP….).
A savoir : Depuis quelques années déjà, tout DPE (Diagnostic de Performance Energétique) est retransmis automatiquement à l’ADEME par le logiciel certifié que doit employer tout diagnostiqueur immobilier. C’est ainsi qu’il existe un ‘observatoire du DPE’ et des données publiques sur l’état énergétique du parc immobilier. La Loi ELAN a bien prévu un ‘observatoire du diagnostic immobilier’ mais à quoi sert-il si les données des diagnostics ne sont pas regroupées ? Verser de l’argent public à un observatoire qui ne communique pas ses observations c’est choquant, mais de surcroît quand les observations peuvent limiter l’exposition à un risque mortel, cela frôle l’obscène.
Si tout un chacun peut consulter le cadastre pour savoir si une construction a été édifiée avant juillet 1997 (date de l’interdiction d’emploi d’amiante), et présente potentiellement le risque d’en contenir, il n’est pas possible d’obtenir cette information par tout un chacun en temps réel. Pourquoi ? Parce que la base ne peut être publiée alors que les données qu’elle devrait contenir sont accessibles. Avec la publication sans restriction d’une base cartographique amiante, tout un chacun, les pompiers comme tout visiteur ou usager pourrait connaître le niveau d’exposition au risque amiante encouru en pénétrant dans un bâtiment. Dans tous les bâtiments ? Oui ou presque (sauf restriction de sûreté) et même dans les écoles, collèges et lycées….Serait-ce de là que naît ou survit l’opposition des pouvoirs publics à la création et à la diffusion d’une cartographie amiante ?
Des données amiante existantes mais non publiables
Ce sont principalement des contraintes légales qui interdisent pour le moment (mais la législation évolue) la mise à disposition de la base cartographique amiante au grand public. S’il est compréhensible que le respect de la vie privée restreint la diffusion publique de toutes les informations liées à un bien immobilier, on ne comprend pas que la prévention du risque amiante ne prenne le pas sur une petite entorse à la confidentialité. Il n’est question en fait de ne renseigner dur la base amiante que les informations connues relatives à l’année de construction ou de rénovation d’un bâti et les bilans des éventuels diagnostics amiante qui y ont été effectués. Ne pourraient être gênés par la diffusion de ces informations que les seuls propriétaires ou exploitants d’édifices potentiellement amiantés (construits selon un PC antérieur au 1er juillet 1997) qui n’ont pas fait conduire un diagnostic amiante obligatoire (DTA, DAPP). Où passe dans ce cas l’idée du principe de précaution ? Surtout quand on sait déjà depuis de nombreuses années à quel point l’inhalation même furtive de fibres d’amiante peut être un danger mortel ?
Alors que les développeurs ont déjà créé une telle base amiante réservée aux professionnels, tant que la législation en vigueur n’aura pas évolué, ils ne peuvent lever les fonds nécessaires à la mise en place de l’interface cartographique amiante publique. Fort heureusement, même si le cabinet ministériel n’a pas donné suite au projet qui lui a été présenté en raison des restrictions légales actuelles, certains de nos élus sont d’ores et déjà mobilisés et saurons faire disparaître l’aberration qui consiste à collecter des données sans pouvoir les communiquer en temps réel ni aux pompiers, ni aux intervenants ou visiteurs.
Nota : On l’a vu récemment, il aura suffi (en plus d’une manifestation) que la députée Elsa Faucillon interroge le ministre lors des questions au gouvernement pour qu’une cellule sur le bâti scolaire soit créée au sein de l’Education nationale afin de faire le point et suivre la présence d’amiante dans les établissements scolaires. Comptons donc sur nos élus pour que (on l’espère) chaque citoyen de la République puisse accéder en temps réel à la connaissance nécessaire pour préserver sa santé et celle des siens.
La cartographie du risque trop risquée ?
A part les propriétaires et gestionnaires en défaut de diagnostic amiante obligatoire, personne n’aurait à redouter la diffusion au grand public des informations sur la présence d’amiante et le défaut de diagnostic. C’est peut-être sur cette piste que l’on peut chercher à entrevoir d’éventuels blocages de la publication de la base de données. Au cas où la base amiante serait facilement accessible à tous, n’importe quel parent d’élève, fonctionnaire, agent de la fonction publique ou salarié du privé pourrait revendiquer sa sécurité, celle de ses enfants, saisir son CHSCT (Comité Hygiène et Sécurité des Conditions de Travail), voire utiliser son droit de retrait.
Alors sont-ils donc si nombreux les bâtiments de construction antérieure à 1997, susceptibles de contenir de l’amiante et pas diagnostiqués ? S’il n’y en avait pas ou peu, on comprendrait le manque de diffusion de l’information cartographique amiante, mais s’il y en a beaucoup alors l’urgence de la publier est avérée. Nous citoyens devons cette information aux pompiers, aux intervenants de secours et bien sûr à nos enfants.
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