L’arlésienne de l’obligation de rénovation énergétique dans l’immobilier tertiaire est enfin apparue. L’arlésienne c’est ce personnage dont tout le monde parle mais que personne ne voit. Quoique, puisque ce fameux décret tertiaire annoncé dès 2010 a fait une brève apparition en 2017. Juste une apparition puisqu’à peine publié, il a été abrogé 2 mois après. Dorénavant (re)publié, le décret tertiaire définit les obligations de rénovation énergétique ou d’amélioration de la performance thermique dans les bâtiments du secteur tertiaire afin de satisfaire aux exigences des engagements du pays et notamment ceux de la Loi ELAN. Qui est concerné par le décret tertiaire ? Qu’est-ce que les gestionnaires doivent effectuer pour se mettre en conformité avec le décret tertiaire ? Quelles sanctions ?
L’histoire a commencé avec l’adoption de la Loi Grenelle 2 qui prévoit l’obligation de travaux d’amélioration de la performance énergétique (et de réduction des GES associés) pour le secteur tertiaire. Dans son texte, la loi donnait 8 ans à compter de 2012 aux gestionnaires et propriétaires de tels bâtiments pour se mettre en conformité sous réserve de publication du décret d‘application.
En 2012, date butoir de publication du décret ouvrant le délai de 8 ans, le nouveau gouvernement de l’époque tergiverse et refuse de le publier. La raison en serait que l’État, qui manque de moyens, serait dans l’incapacité de remplir ses obligations du décret tertiaire pour les bâtiments publics dont il a la charge.
Ce n’est que 3 ans plus tard, en 2015 sous un autre gouvernement encore, que l’obligation de rénovation énergétique du tertiaire réapparaît. C’est dans la Loi de Transition Énergétique que de nouveaux objectifs d’amélioration de la performance énergétique du tertiaire sont insérés Cette fois-ci les objectifs seront réactualisés tous les 10 ans et entreront en vigueur dès parution du décret tertiaire.
A noter : La périodicité de réactualisation décennale des objectifs de réduction des consommations énergétiques n’est pas un hasard mais correspond en fait à la durée de validité d’un audit énergétique ou d’un DPE. Il ne semble pas présomptueux d’imaginer que les obligations de rénovation énergétique des passoires thermiques à la location adoptent des exigences comparables et un délai identique.
Enfin, le décret tertiaire paraîtra mais in-extremis puisque ce sera 5 jours seulement avant la fin du mandat du Président de la République de l’époque. Au changement de gouvernement, le décret tertiaire sera abrogé 2 mois seulement après sa publication. Déjà à l’époque c’est le Conseil d’État qui a suspendu le décret tertiaire (comme se sera le cas également pour les modalités d’exécution du diagnostic électricité puis récemment pour le repérage amiante avant travaux)…
Le texte enfin adopté est celui publié au Journal officiel du 25 juillet 2019 (Décret n°2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire), directement issu de la Loi ELAN. Il définit les modalités de mise en œuvre de l'obligation d'actions de réduction des consommations d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire ainsi que les objectifs décennaux à atteindre :"au moins 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050 par rapport à 2010". Les obligations seront applicables dès le 1er octobre 2019.
Sont concernés, tous les bâtiments tertiaires ayant une surface de plus de 1 000 m2. À l’exception des constructions précaires, des bâtiments destinés au culte et des bâtiments ou parties de bâtiments destinés à la défense, sécurité civile ou sûreté intérieure du territoire.
A noter : Il n’y a pas de différence entre propriétaire et gestionnaire puisque bailleurs et preneurs sont soumis aux obligations découlant du décret tertiaire. Le périmètre de responsabilité de chaque partie doit être stipulé dans la rédaction du bail.
Les actions à entreprendre dans chaque bâtiment peuvent être diverses allant des plus simples comme le changement de comportement des occupants ou les modalités d’exploitation des équipements jusqu’aux plus coûteuses et plus compliquées comme le remplacement d’équipements, la gestion technique centralisée (GTC) ou du bâtiment (GTB) et bien sûr des actions d’amélioration de la performance énergétique.
A savoir : Conformément au décret, les exploitants des bâtiments tertiaires soumis aux obligations du décret devront afficher de manière visible: la consommation en énergie finale du bâtiment, ses émissions en GES (Gaz à Effet de Serre) et les objectifs de consommation visés.
Bien évidemment, des dérogations sont prévues pour ne pas pouvoir appliquer les obligations du décret. C’est le cas pour les bâtiments classés, pour ceux dont les modifications seraient quasi-impossibles en raison de la structure, de l’aspect, des servitudes ou lorsque le coût des améliorations serait disproportionné.
Un suivi de réalisation des objectifs de réduction des consommations sera pris en charge par l’ADEME.
Tout responsable d’un bâtiment tertiaire soumis à l’obligation de rénovation énergétique devra transmettre sur la plateforme ad-hoc de l’ADEME les données de consommation et les éventuels dossiers techniques avant le 30 septembre 2021 puis ensuite chaque année et toujours avant le 30 septembre.
Le contrôle sera effectué par remise par l’ADEME d’une attestation de prise en compte (et de succès ?) des réductions de consommations énergétiques. S’il n’y a pas de sanctions financières ou fiscales applicables aux propriétaires et gestionnaires de bâtiments tertiaires qui ne transmettraient pas leurs données de consommation, il est d’ores et déjà prévu de faire figurer les ‘mauvais joueurs’ sur un site public de l’internet. L’idée est de sensibiliser aussi bien les fournisseurs que les employés et les consommateurs au caractère rebelle de l’enseigne aux efforts nationaux de préservation de la ressource et de l’environnement. (Et pourquoi pas une étiquette ‘entreprise vertueuse’ sur les sites et les devantures ?)
Lorsque les objectifs définis par les décret ne seront pas atteint sans raison valable, c’est le préfet qui se chargera des mises en demeure et des sanctions allant de 1 500€ (personnes physiques) jusqu’à 7 500€ (personnes morales).
Faut-il d’ores et déjà envisager une forte demande en DPE et audits d’entreprises à la rentrée prochaine pour se mettre en conformité avec le décret tertiaire avant le 1er octobre 2019 et surtout avant que le DPE ne devienne opposable en 2020 ? A voir….
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