Il est certain qu’à force de rénover, vendre et louer, on va progressivement au fur et à mesure de l’exécution de diagnostics plomb (CREP) en éradiquer la présence dans les constructions anciennes. Avec l’éradication du plomb dans les murs de nos immeubles, on aurait pu espérer la fin du saturnisme, sauf que beaucoup de plomb stagne encore dans le sol de nos jardins ou resurgit dans nos eaux de consommation. Si l’on parle beaucoup du risque amiante notamment depuis que le Droit indemnise le préjudice d’inquiétude à son exposition, on traite peu du risque lié à l’ingestion du plomb. Et si les opérations de désamiantage semblent parfois insuffisantes, celles d’éradication du plomb dans les sols des jardins, parcs et ERP réussissent à avancer encore moins vite. Comment savoir à quel niveau de risque lié au plomb on s’expose ? Une quête difficile !
Il aura peut-être fallu qu’enfin un maire dépose une plainte pour pollution pour que l’on puisse espérer que soit entreprise une dépollution des sols des communes des Trois Plaines en Île-de-France : Achères (78), Triel-sur-Seine / Carrières-sous-Poissy (78) et Méry-sur-Oise / Pierrelaye (95).
Les Trois Plaines sont celles qui, juste à côté de Paris, ont servi de champ d’épandage à la capitale depuis le XIXe siècle et jusqu’au début des années 2000. Si certains utilisent le mot ‘irrigation’ pour qualifier l’apport en eau que ces plaines ont reçu, le mot ‘épandage’ semble mieux approprié car ces apports en eau ont été surtout effectués par des eaux brutes (non traitées) tout au moins jusqu’en 1998.
Le terme ‘irrigation’ peut également être employé puisque les Trois Plaines sont depuis toujours une zone à forte occupation agricole que ce soit par des maraîchers ou des jardins ouvriers.
A savoir: En 1999 déjà, un arrêté préfectoral interdit temporairement la mise sur le marché des cultures légumières et des plantes aromatiques issues de parcelles irrigués par épandage des eaux usées sur les Trois Plaines. En 2000, c’est l’intégralité de la production de toutes cultures légumières et aromatiques en terre, destinées ou non à la commercialisation et localisées dans les zones concernées par les épandages d’eaux usées sur lesTtrois Plaines qui est interdite. La pollution était donc bien connue.
Mais, si une pollution éventuelle aux matières fécales drainées par les eaux brutes est peu ragoûtante, elle est censée se dissiper. Par contre, la pollution au plomb reste pour des années encore. Car ces eaux d’épandage qui ont lessivé Paris depuis des lustres ont longtemps charrié le plomb employé sur les toitures, la construction et la bien nommée ‘plomberie’.
Pourtant, une (longue, très longue) étude entamée en 2008 et publiée en décembre 2017 avait qualifié « d’inacceptable » la teneur en plomb de certains sols (690 mg/kg) dépassant jusqu’à treize fois la valeur repère des sols d’Île-de-France (53,7 mg/kg). Il aura peut-être donc fallu que le maire (écologiste) de Carrières-sous-Poissy dépose plainte pour espérer que ces quantités phénoménales de plomb soient éradiquées du sol des jardins, parcs et ERP de cette commune tout au moins. Source actu-environnement
Ici c’est pourtant bien loin d’une métropole que les eaux se mettent à charrier du plomb.
Lors du dernier épisode cévenol, les pluies diluviennes qui se sont infiltrées dans le sol auraient lessivé d’anciennes mines d’où on extrayait le plomb. Par précaution, au vu du niveau du risque et dans l’attente d’analyses, six communes en aval des anciennes mines de plomb sur le Gardon ont été ravitaillées gratuitement en eau minérale en substitution à l’eau du robinet. Source Francetvinfo.
Donc le risque de (re)voir du plomb dans l’eau n’est jamais exclu.
Lorsqu’il s’agit d’eau potable, on sait à quel point les réseaux sont tenus à des analyses fréquentes afin que le risque de plomb dans l’eau ne dure pas. Mais lorsqu’il est question de l’eau d’arrosage (non potable) employée pour faire pousser des fruits et des légumes, on sait que les analyses sont moins fréquentes lorsqu’il en existe; et puis parfois, comme en Île-de-France, c’est le sol lui-même qui peut receler du plomb que l’on retrouvera dans les productions fruitières et maraîchères. Alors le risque plomb est loin d’être écarté surtout lorsque le sous-sol en recèle encore ou qu’il en reçoit à nouveau.
Il devient donc intéressant de se pencher sur la localisation des sites d’extraction du plomb en France. Intéressant, mais difficile…
Le site du BRGM propose bien « Une carte des extractions et des usines de transformation métallique et de sel sur le territoire français », mais la carte en question officiellement disponible sur Mineralinfo n’est pas clairement accessible.
Pour obtenir plus aisément une carte des mines de plomb, le site gouvernemental developpement-durable en propose une, mais celle-ci n’est plus téléchargeable afin de pouvoir l’agrandir et la consulter aisément.
Donc, pas ou peu de documentation accessible sur la proximité d’une mine de plomb avec le lieu recherché. Comme l’ERP (État des Risques et Pollutions) ne mentionne pas non plus si du plomb a été extrait des mines et cavités souterraines présentant un risque minier, il faut se tourner vers le Registre des Émissions Polluantes de chaque usine aux alentours afin de savoir si celle-ci a rejeté du plomb et composés exprimés en tant que Pb (plomb).
Exemple : Une fonderie située en Mayenne notifie des rejets de plomb dans l’air (340 kg en 2007, 280 kg en 2008) mais n’en a signalé aucun dans le sol. Puis en 2009 aucun rejet de plomb dans l’air mais 165 kg/an dans le sol.
S’il est louable que l’absence constatée de risque plomb dans un immeuble (Constat de Risque d’Exposition au Plomb – CREP) soit désormais un critère de décence d’un logement, il serait bon que ce constat puisse être étendu au sol de toute zone constructible notamment lorsque celle-ci se situe à proximité d’une installation rejetant du plomb ou d’une zone notoirement contaminée comme c’est le cas aux Trois Plaines.
Le risque retrait-gonflement des argiles qui figure dans l’ERP pour un terrain à bâtir n’est qu’un risque à conséquences financières tout compte fait, alors que le risque plomb dans le sol a des conséquences sanitaires que ce soit en vue d’une construction ou pour y faire pousser des légumes.
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