Quelle surprise de lire dans un article de la très sérieuse UFC « les diagnostics de performance énergétique (DPE) c’est la loterie » ; quelle gifle donnée indirectement à la profession de diagnostiqueur immobilier et à la réglementation dont elle est le maillon indispensable. Ce qui focalise ainsi la véhémente attention de l’UFC-Que Choisir c’est l’impact du bilan du DPE sur le prix du marché immobilier qui serait « faussé » par le DPE. Fustiger les diagnostiqueurs immobiliers et évoquer même le terme de « fumisterie » c’est distiller une fois encore de la méfiance dans l’esprit du public sur l’intégrité et les compétences d’une profession honorable qui mérite d’être défendue.
Parmi les témoignages illustrant l’article de Que-Choisir, celui de personnes ayant réalisé de ‘gros travaux d’isolation’ rendant une maison ‘confortable’ qui s’insurgent contre son classement en E sur le DPE. En plaçant cette maison en bâti d’avant 1949 (la maison serait des années 50), le diagnostiqueur immobilier en simulant un DPE sur factures de gaz l’aurait classée en B. Il est vrai que l’écart est insupportable mais la sensation de confort et la note de gaz ne sont que des données subjectives. Imaginons le cas d’une maison occupée occasionnellement et surtout pas l’hiver et dans une région au climat doux, quelle serait la ‘sensation de confort’ de ses occupants (pas forcément frileux) ne l’habitant qu’en saison douce et quel serait le montant des factures de gaz si la maison est peu occupée, rarement chauffée et/ou peut-être équipée de convecteurs électriques d’appoint, d’un ballon d’ECS électrique, etc. ?
La sensation de confort est bien plus subjective que la mesure de la performance des isolants surtout quand la nature, la qualité et l’épaisseur des isolants ne peut être établie que sur déclarations et non pas contrôlée ; en outre, il en est de même sur la présence fugitive ou masquée d’équipements d’appoint.
Fiabiliser le DPE, tout le monde y est favorable et surtout les diagnostiqueurs immobiliers qui n’apprécient pas d’être ainsi fustigés parce qu’ils appliquent au mieux une réglementation imparfaite mais normalisée. Pourtant, aussi longtemps qu’une partie des caractéristiques d’un bien immobilier ne pourra être saisie dans le logiciel que selon les déclarations du propriétaire ou de l’occupant, le DPE risquera d’être entaché d’incertitude.
Il y a des solutions pour fiabiliser aisément le DPE, l’une est de rendre obligatoire le contrôle des déclarations du propriétaire sur les éléments de la construction et de l’isolation. Cette solution nécessiterait d’avoir en sa possession tous les éléments techniques de la construction et/ou de pouvoir les mesurer par des sondages destructifs. On imagine alors le trouble chez le donneur d’ordre (et chez l’ODI) si le diagnostiqueur immobilier devait sonder la dalle, les parois, ôter des revêtements….Car si la mesure de l’épaisseur du verre et de la lame d’air d’une fenêtre est simple, celle de l’épaisseur d’un isolant sous dalle est déjà plus complexe. Qui est prêt à cela ? Ni les donneurs d’ordre, ni les diagnostiqueurs, et pourtant, si on compare le diagnostic immobilier et le contrôle technique automobile auquel il ressemble, le contrôle technique auto impose des mesures et des tests sans prendre en compte les déclarations (plus ou moins avérées) du propriétaire du véhicule.
Une autre solution qui ne serait pas immédiatement destructive est de rendre opposables les déclarations du donneur d’ordre sur les éléments de la construction. Si le donneur d’ordre engageait pénalement et civilement sa responsabilité sur les descriptions de la construction, les éléments, isolants et équipements, il suffirait en cas de contestation du DPE que le diagnostiqueur immobilier attaqué puisse éventuellement se retourner contre le donneur d’ordre. Si la veille du DPE, un occupant démonte les convecteurs de sa maison pour ne laisser qu’un petit chauffage au gaz, le bilan du DPE risque d’être d’une certaine classe énergie bien éloignée d’un DPE effectué en présence de convecteurs grille-pain… Une fois le DPE effectué et le bien immobilier bien classé, l’occupant pourra réinstaller ses convecteurs, profiter d’une maison ‘confortable’ et conserver des factures de gaz peu élevées.
Et même, en mettant un peu de côté l’immobilier vraiment ancien pour ne se focaliser que sur le récent, est-ce que l’attestation de prise en compte de la Réglementation Thermique en vigueur est opposable ? Combien de temps une construction au label BBC ou Bepos restera t’elle classée en A ou A+ sur son prochain DPE dans dix ans ?
Certes la classe énergie du DPE est devenue un critère de choix et un levier du prix et de sa négociation lors d’une transaction immobilière, mais il ne faut pas l’accuser de ‘fausser’ le marché immobilier. Le marché immobilier comme pour tout marché fluctue en fonction de l’offre et de la demande. Un bel appartement dans un quartier très demandé vaudra toujours plus cher qu’un autre similaire mais dans une zone boudée ; et ce n’est pas la classe énergie du DPE qui fera la différence ni sur le prix ni sur la facilité de vente. Surtout qu’un ‘mauvais’ DPE offre des avantages à son futur propriétaire (CITE, Eco-PTZ, aides à la rénovation...).
Si l’on compare l’immobilier au marché automobile, où chaque véhicule est acheté en fonction de sa classe énergie, de sa consommation et de ses taxes fiscales on aperçoit tout de même sur nos routes beaucoup de voitures de forte puissance et à taxe carbone élevée, preuve que les consommations et les émissions de GES ne sont pas LE critère déterminant à l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion. Il faut aussi savoir se méfier des modes, tendances et inflexions que certains veulent nous faire suivre, rappelez-vous qu’il y a eu des années où on prônait la maison tout électrique et les moteurs diesel….
Il est bon pour l’environnement que le DPE soit un levier de la transaction immobilière, mais il ne faut pas l’accuser des problèmes du logement en France, surtout lorsque le marché de l’immobilier ancien est au plus haut.
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