Il a été soulevé enfin l’épineux problème d’absence fréquente des éventuels diagnostics obligatoires avant travaux à 1€. Il est vrai que ce point n’est que rarement (jamais ?) évoqué lors du démarchage (frénétique parfois) de particuliers par les entreprises proposant des offres à 1€. Isolation, remplacement de chaudière ou mise en place d’une PAC... ces opérations nécessitent le plus souvent a minima des opérations de perçage, forage sur des parois pas toujours saines. Et pourtant, la législation est claire à ce propos, aucun maître d’ouvrage ne devrait entamer des travaux tant que des risques d’exposition au plomb et/ou à l’amiante sont possibles. Or, si elles existent, rares sont les entreprises commercialisant des travaux à 1€ qui s’enquièrent au préalable des bilans des éventuels diagnostics avant travaux. Si les risques d’une exposition possible au plomb ou à l’amiante leurs sont connus, ces sociétés risqueraient de voir leur marché chuter à s’informer de la bonne réalisation du CREP ou du repérage amiante. Si ces sociétés, ou du moins certaines, manquent à leur devoir d’enquête préalable, c’est peut-être parce qu’elles sous-traitent la réalisation des travaux à des intervenants moins soupçonneux ; surtout aussi parce qu’au final, c’est la responsabilité civile et pénale du propriétaire qui s’applique.
Pas question de fustiger ces offres à 1€ en contrepartie du rachat des kWh d’énergie économisée tel que prévu par le programme des CEE (Contrats d’Economies d’Energie).
Si, au début, les grandes surfaces ont commencé à monnayer les leurs en offrant des bons d’achat aux particuliers, on a vu ce type de transaction se raréfier. C’est notamment grâce à ces contraintes (et aux amendes) des CEE que ces mêmes grandes surfaces commerciales distributrices de carburant ont fait poser des panneaux photovoltaïques sur leurs aires de stationnement afin de produire de l’électricité verte qui en plus abrite nos voitures.
C’est grâce également en grande partie à ce marché des kWh d’énergie économisée que les particuliers (même modestes) peuvent faire financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement et faire reculer le spectre de la précarité énergétique.
La preuve de l’intérêt de ces offres est qu’elles forment en partie les offres gouvernementales du programme Coup de pouce économies d’énergie ; le problème est que des prestataires moins exigeants se sont investis comme courtiers en kWh et cherchent frénétiquement à trouver des chantiers à 1€ au mépris des précautions minimales à respecter.
C’est ainsi que certains courtiers en kWh de CEE prospectent à tout va les particuliers pour leur proposer des chantiers à 1€ qu’ils confieront ensuite à des entreprises pas forcément très regardantes qui feront intervenir une main d’œuvre pas forcément très qualifiée (ou insuffisamment renseignée pour certains ouvriers étrangers).
Or, à moins d’un simple soufflage d’isolant dans les combles, la plupart des travaux d’isolation ou de remplacement d’un chauffage va nécessiter des travaux qui obligent selon l’ancienneté de la construction à faire effectuer les diagnostics immobiliers requis (plomb pour une construction d’avant 1949, amiante pour une construction édifiée selon un permis de construire antérieur à juillet 1997).
Ainsi que le signale 60 MillionsMag à propos des interventions à 1€ : « Nombre de devis sont réalisés à distance, en posant une série de questions aux candidats à l’isolation et en estimant les surfaces à partir de sites en ligne comme celui du cadastre. Le professionnel ne se déplace ensuite qu’une seule fois, pour la visite et l’isolation ». Difficile de croire qu’il aura demandé lors du devis au téléphone, ou qu’il demandera le jour de la pose, les bilans des diagnostics. Surtout lorsqu’il est évoqué que « certains installateurs, qui ont un quota d’isolations à réaliser par jour » pourraient passer outre quelques précautions élémentaires...
Donc, l’installateur, qui n’est pas toujours informé d’éventuels risques d’exposition au plomb ou à l’amiante, doit faire confiance à son entreprise pour avoir vérifié au préalable la présence éventuelle de risques. Or, l’entreprise qui a obtenu le marché de ces travaux fait sûrement confiance à son donneur d’ordre qui est le courtier ou le commercial ayant effectué le démarchage initial. On assiste ainsi à une dilution des responsabilités en matière de prévention des risques qui malheureusement se conclut, au final, par la responsabilité pleine et entière du propriétaire du bien immobilier.
À savoir : Ainsi que le signale Batiactu : « Si ce repérage avant travaux n'est pas communiqué par le maître d'ouvrage, c'est bien simple : l'entreprise est censée faire comme si tous les matériaux étaient amiantés../..Principe de précaution qui fait que sur un chantier de rénovation où un diagnostic amiante n'aurait pas été fait, les ouvriers sont censés intervenir en 'tenue de cosmonaute', et avec des douches de décontamination ».
Il n’est pas rare de lire que bon nombre de propriétaires disent avoir souffert des conséquences d’un chantier à 1€. Quelles que soient leurs mésaventures, elles ne sont rien comparées à celles que subira un propriétaire traîné devant la justice pour avoir mis en danger la vie d’autrui par négligence caractérisée.
Car un défaut de diagnostic plomb (CREP) ou de repérage amiante avant-travaux reste juridiquement imputable au propriétaire conformément à l’Arrêté du 16 juillet 2019 relatif au repérage de l'amiante avant certaines opérations réalisées dans les immeubles bâtis et/ou l’Arrêté du 19 août 2011 relatif au constat de risque d’exposition au plomb (CREP)
En outre, non seulement sa responsabilité peut être engagée juste après les travaux, mais le risque d’un recours peut perdurer pendant des décennies. Même sans maladie déclarée de la part d’un intervenant ponctuel (quelques minutes d’exposition suffisent), ce dernier pourra tout de même demander en justice des années plus tard une indemnisation du préjudice d’anxiété suite à une exposition à l’amiante.
Il n’est pas question de fustiger les sociétés et prestataires des offres à 1€, mais seulement d’attirer l’attention des particuliers sur les conséquences possibles d’un défaut des diagnostics avant travaux obligatoires selon l’ancienneté de la construction. Si on peut raisonnablement penser que, lors du démarchage, le prestataire se sera bien enquis de l’année de construction de la construction, cela risque fort de ne pas dégager la responsabilité civile et pénale du propriétaire en cas d’exposition des travailleurs au plomb ou à l’amiante.
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