C’est dommage qu’il ait fallu attendre l’effondrement dramatique d’immeubles d’habitation à Marseille pour que les habitats dégradés soient enfin un sujet de préoccupation. Tout bouge dorénavant et bien plus vite qu’on ne pouvait l’espérer puisque les responsables de l’immobilier des communes sont clairement exposés. Depuis qu’est apparu le hashtag #balancetontaudis sur les réseaux sociaux, on voit se multiplier les dénonciations d’habitats dégradés ; pourtant, tout logement ou immeuble vétuste n’est pas forcément un taudis et il existe une gradation entre logement indécent, logement insalubre, indigne ou en péril. Paradoxalement, à l’heure où la transition énergétique est un enjeu prioritaire, une passoire thermique peut encore être un logement décent au regard de la loi.
Si ce titre semble indécent, ce n’est pas un hasard, c’est la Loi que vient de confirmer la Cour d’Etat. Le 20 décembre dernier, le recours de plusieurs associations (France Nature Environnement, le réseau pour la transition énergétique Cler, l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, et la fondation Abbé Pierre) contre le décret de 2017 définissant les critères d’un logement décent. Ces associations s’étaient élevées contre l’absence de la prise en compte de la classe énergétique minimale du DPE (Diagnostic de Performance Energétique) dans les critères de décence. Le recours ayant été rejeté, tout marchand de sommeil, tout bailleur indélicat peut encore louer des passoires énergétiques, ces logements impossibles à chauffer qui sont des glacières l’hiver et des étuves l’été et engloutissent budget des occupants, montant des APL et des chèques énergie.
On peut en effet s’interroger alors sur cette politique de distribuer des aides au logement et des chèques énergie à des ménages aux revenus modestes qui même avec ces subsides ne pourront assurer ni leur confort, ni leur sécurité. Car outre le confort, c’est également la sécurité de ces personnes qui est en jeu lorsqu’elles ont recours à des modes alternatifs de chauffage d’appoint souvent mal dimensionnés et dangereusement employés. Donc, même impossible à chauffer correctement avec un revenu correct, une passoire thermique est un logement décent du moment que le logement est « protégé contre les infiltrations d’air parasites » et que ses murs extérieurs « présentent une étanchéité à l’air suffisante ».
Un logement est indécent s’il ne répond pas aux normes minimales d’habitabilité. Voilà, c’est donc une référence à des normes minimales d’habitabilité qui évoluent ou pas au gré du législateur.
De nos jours pour être décent un logement doit être loué sans risque de porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé du locataire (clos et couvert, équipements de sécurité, absence de risques avérés liés au plomb, à l’amiante, à l’état des installations de gaz et d’électricité), exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, doté d'équipements le rendant conforme à un usage d'habitation (coin cuisine, douche, WC) et doté d'une surface habitable minimum.
En regard de la QAI (Qualité de l’Air Intérieur) le logement doit être muni d’un dispositif de renouvellement de l’air intérieur (une simple aération naturelle suffit), d’une ouverture sur l’extérieur et d’un éclairage naturel. La mention du logement décent ‘répondant à un critère de performance énergétique minimale’ encore lisible sur ServicePublic, ne se résume en fait qu’aux termes de la Loi validée par la Cour d’Etat « protégé contre les infiltrations d’air parasites » ../.. ses murs extérieurs « présentant une étanchéité à l’air suffisante ». Si le logement décent doit disposer de distributions d’eau froide et d’eau chaude ainsi que d’un système de chauffage, les consommations en énergie du chauffage et du système d’ECS peuvent être démesurées pour le budget des locataires et leurs rejets insupportables pour l’environnement. Hors infractions à ces critères repris dans le constat de décence d’un logement, si aucun diagnostic immobilier ne vient signaler un danger grave ou un risque avéré, un logement est donc décent à moins qu’il n’ait été frappé d’un arrêté d’insalubrité ou de péril.
A savoir : Même en cas d’indécence flagrante d’un logement, le locataire est tenu de payer son loyer mais peut saisir le propriétaire pour l’obliger à mettre le logement en état de décence après l’avoir mis en demeure de faire dresser un diagnostic de décence du logement. Sans réaction positive de ce dernier, le locataire peut alerter la commission de conciliation à la Direction Départementale du Territoire (DDT) et/ou saisir le tribunal d’instance par l’intermédiaire d’un avocat.
Un logement ou tout un immeuble à usage d’habitation est insalubre lorsqu’il est fortement dégradé et qu’il existe des risques pour la santé des personnes (aussi bien pour les occupants que pour les voisins) et ce du fait de son état ou de ses conditions d’occupation. Si on peut supposer que tout logement a été indécent avant de devenir insalubre, ce n’est pas forcément obligatoire. A la différence du caractère d’indécence, le locataire ne peut par autoévaluation ou simple diagnostic déterminer que son logement est insalubre car ce classement est une prérogative préfectorale après constat de la DDASS ou du service d’hygiène de la commune. Mais comme tout diagnostic amiante ou plomb positif quant à un risque sanitaire est obligatoirement transmis de fait au Préfet par le diagnostiqueur immobilier, on peut en déduire (d’autant plus dans la conjoncture actuelle) que ce dernier ne tardera pas à émettre un arrêté d’insalubrité pour ce logement ou cet immeuble dès lors qu’il présente des risques pour la santé des personnes.
A savoir : Un arrêté d’insalubrité dispense le locataire de payer son loyer jusqu’à ce que le propriétaire ait effectué les travaux et permet au locataire de bénéficier d’un relogement. Au cas où les travaux requis ne sont pas entrepris par le propriétaire, la collectivité peut les faire effectuer aux frais du propriétaire.
Un bâtiment (d’habitation ou pas) devenu dangereux pour le voisinage ou les occupants compte tenu des défauts de solidité des éléments bâtis, y compris les éléments intérieurs au bâtiment (escalier, planchers, etc.) doit faire l’objet d’un arrêté de péril. Cette détermination de péril est de la responsabilité du maire de la commune dans le cadre de son devoir de sécurité de ses administrés. La législation discerne deux cas de péril : le péril ordinaire et le péril imminent qui doit aboutir dans les 24 heures.
En conclusion tout logement est dit ‘indigne’ dès lors qu’il est indécent, insalubre ou en péril. Il faudra peut-être attendre la prochaine énième fiabilisation du DPE avant son opposabilité prochaine pour que la classe énergie déplorable d’un logement entre enfin dans les critères légaux de l‘indécence, mais en attendant, toute précarité énergétique est une forme d’indécence du logement ou tout au moins d’indignité des occupants.
A savoir : Un guide pratique de l’occupant édité par le Pôle de lutte contre l’habitat indigne est mis en ligne par la DIHAL (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) et téléchargeable gratuitement.
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