Certains reprochent à la ministre chargée du logement des propos parfois déformés signifiant qu’il faudrait en finir avec la maison individuelle. Sans chercher à décrypter ce qui a été dit et/ou interprété, il est certain que l’artificialisation galopante des sols doit être freinée ou tout au moins ralentie. Oter à la nature et à l’agriculture de nombreuses zones pour y construire des urbanisations n’est pas une démarche durable. Mais, pour que les Français abandonnent leur rêve d’une maison individuelle avec jardin, encore faudrait-il qu’il leur soit proposé des appartements attrayants. Pour le moment, aux yeux de nombreuses personnes, l’immeuble collectif est bien trop souvent un repoussoir pour qui souhaite vivre en paix, en sécurité et en salubrité. Alors plutôt que de vouloir freiner l’expansion des zones pavillonnaires, pourquoi ne pas rendre plus attractif le logement urbain. Il suffirait juste d’un peu plus de volonté et davantage de garanties.
Le Monde rapporte que selon la ministre « le rêve de pavillon avec jardin » auquel 75 % des Français aspirent « n’est pas compatible avec les enjeux environnementaux. Il faut donc proposer un autre idéal ».
On aura bien compris que l’extension du mode de résidence en maison individuelle touche à sa fin et que le Gouvernement veut hâter son hallali. D’ailleurs les diagnostiqueurs immobiliers notamment ont souvent fait remonter que le mode de calcul du fameux ‘nouveau DPE’ tendait à fortement dégrader les bilans d’une maison individuelle parfois bien au-delà d’un logement équivalent en immeuble. Erreurs de calcul dans la méthode, excès de précipitation dans sa mise en œuvre en sont des causes mais peut-être pas les seules. Pour ralentir l’engouement des Français pour le pavillon, surtout après les confinements et l’extension du télétravail, il a pu apparaître judicieux de ‘plomber le DPE’ de la maison individuelle afin que le marché se repositionne sur l’appartement en immeuble.
Accroître la densification afin de réduire l’étalement urbain, est assurément un enjeu environnemental et économique majeur, mais la démarche responsable d’aller vivre en appartement plutôt qu’en maison individuelle ne correspond pas à l’idéal de logement des Français. Ne faudrait-il pas d’abord rendre attrayant l’habitat collectif avant de fustiger l’habitat individuel ?
Il suffit d’allumer un téléviseur ou de lire un journal pour se faire assaillir d’images de cités, quartiers et immeubles dégradés. Tant que l’image que se font les Français de l’habitat collectif restera entachée de ces clichés, très peu de nos concitoyens émettront le désir d’aller y installer leur résidence.
En 2018, a été lancé le plan ‘Initiatives copropriétés’ constatant que de nombreux propriétaires (64 000 logements) ne payaient pas les frais des travaux nécessaires dans les parties communes ou privatives, jusqu’à laisser les logements devenir indignes et même des immeubles devenir dangereux. Après que des milliers de logements et d’immeubles de copropriétés privées aient été réhabilités à coups de millions d’euros d’argent public, il n’en reste que l’image du résidentiel collectif demeure fortement dégradée.
Et puis, après les copropriétés en difficulté, il faut ajouter l’image QPV (Quartiers de la Politique de la Ville) où la délinquance est «en moyenne plus intense qu'ailleurs pour la plupart de ses formes», où l’on comptabilise 3,9 fois plus de personnes mises en cause dans des vols violents avec arme qu'ailleurs, et 3,6 fois plus quand il s'agit de vols violents sans arme, où les habitants se disent en moyenne deux fois plus victimes d'actes de vandalisme, que ce soit contre leur voiture ou leur logement… Source : Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) cité par Le Figaro
Comment alors avec de telles statistiques sur la probable dégradation des conditions de vie en ville (infrastructures et délinquance) inciter les acquéreurs à s’endetter sur des décennies pour habiter un immeuble pouvant manquer d’entretien dans un quartier risquant de devenir ‘sensible’ ? Si l’on ajoute à tout cela que l’image que se font des syndics beaucoup de copropriétaires se dégrade alors que le coût de leurs contrats semble augmenter, alors l’attirance pour l’habitat collectif se réduit encore plus.
Et puis, même en imaginant une copropriété bien gérée, dans un quartier sûr et dans une ville propre, encore faudrait-il que les appartements y soient réellement confortables.
Au cours des ans on constate sans cesse une baisse permanente de la qualité architecturale dans les logements neufs dont une perte de surface au sol, avec moins de lumière, de hauteur sous plafond, de capacité à ventiler... selon une étude de l'Institut des hautes études pour l'action dans le logement (Idheal) citée par France Inter. Afin de proposer des logements à des prix jugés les plus abordables pour le plus grand nombre, on a baissé leur qualité jusqu’à leur faire perdre toute attractivité.
Et encore on n’a cité jusqu’alors que leur qualité architecturale mais quand on y ajoute les malfaçons dans leur construction (fissures, infiltrations d’eau, défauts de solidité…) alors oui, le logement neuf est un achat risqué d’autant plus lorsqu’il se situe dans un immeuble à étages c’est-à-dire dans un logement urbain.
A savoir : Les malfaçons dans le logement neuf se multiplient depuis une dizaine d’années et les indemnisations au titre de la garantie décennale explosent. Selon le dernier observatoire de l’Agence qualité construction (AQC), les indemnisations au titre de l’assurance dommage ouvrage augmentent en moyenne de 6,2% par an, depuis 2009. Au total, le coût des sinistres s’est élevé à 782 millions d’euros en 2018, contre environ 430 millions d’euros en 2008. Source : Capital
Et puis, même correctement dessiné et construit, un appartement en immeuble (à prix raisonnable) est rarement bien isolé phoniquement. Alors quand on accumule les nuisances probables dans appartement en immeuble (gestion de la copropriété, sécurité du quartier, réduction des surfaces, vitrages et ventilation…) on comprend pourquoi les Français plébiscitent à 75% l’habitat en maison individuelle plutôt qu’en immeuble collectif.
Avoir intégré le confort d’été dans le DPE (Diagnostic de Performance Energétique) a été un bon pas en avant dans la notion d’intégrer le confort des occupants au sein des diagnostics immobiliers.
Mais qu’en est-il du bruit ? Pourquoi la mesure de ce bruit qui peut dégrader la santé des occupants n’est-elle toujours pas intégrée dans un diagnostic immobilier ?
En obligeant à faire figurer l’état financier de la copropriété dans l’acte de vente d’un lot, on a voulu pouvoir informer et rassurer les acquéreurs afin de leur éviter d’investir dans une copropriété en difficulté. Cela prouve bien que lorsque la volonté est présente les textes peuvent avancer.
Alors Madame la ministre, si vous souhaitez relancer l’attrait de l’habitat collectif et favoriser ‘la densification en réduisant l’étalement urbain’, alors faites-en sorte que les logements neufs soient confortables, car bien pensés et bien construits ; et que le ressenti probable des occupants fasse l’objet d’un diagnostic confort (bruit, luminosité, aération…) aussi bien dans la construction neuve que dans l’immobilier ancien et surtout lorsqu’il est rénové à coups d’aides d’argent public.
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