A croire qu’il faut cette application du droit de retrait d’enseignants et de salariés refusant de travailler dans des locaux amiantés ; à croire qu’il aura fallu cette nouvelle manifestation populaire pour que nos patrons, chefs, fonctionnaires, élus et dirigeants assument enfin le principe de précaution face aux dangers de l’exposition à l’amiante. « Aucune idée sur Terre n’est digne d’un trépas » disait Georges Brassens, aucun cours scolaire non plus à notre avis, mais son message semble mort y compris au lycée qui porte son nom. Il disait aussi « Mourrons pour des idées, d’accord, mais de mort lente ». C’est ce qui se passe Monsieur Brassens.
Le temps ne fait rien à l’affaire qu’on ait vingt ans ou qu’on soit grand-père quand on est...
Dans le cas de l’amiante, au lycée Georges Brassens comme ailleurs chez Eternit, dans des chantiers navals, au Parlement Européen, à la fac, à l’hôpital, etc…. Oui et non :
Oui le temps fait quelque chose à l’affaire puisque c’est à cause du temps qui passe que les revêtements, flocages, calorifugeages, faux-plafonds…amiantés se dégradent et libèrent les fibres d’amiante au pouvoir mortel.
Oui, le temps joue aussi contre l’état des produits d’encapsulage et d’isolation des MCA (Matériaux Contenant de l’Amiante) qui ont été posés parfois à la va-vite pour limiter temporairement l’exposition aux fibres d’amiante des personnes séjournant dans des locaux amiantés.
Et puis, non, dans le cas de l’âge des personnes, le temps ne devrait rien faire à l’affaire et tous les pouvoirs publics devraient se mobiliser pour que les enfants aient la possibilité de devenir des jeunes de vingt ans puis éventuellement des grands-pères. On verra par la suite s’ils étaient cons ou pas, mais ils ne devraient pas mourir avant cela d’une maladie pulmonaire ou d’un mésothéliome provoqué par l’inhalation de fibres d’amiante à l’école, au collège, au lycée ou à la fac !
Le droit de retrait et le devoir d’indignation
C’est ce droit de retrait qu’exercent depuis plus d’une semaine certains professeurs du lycée Georges Brassens de Villeneuve-le-Roi qui pourra être considéré comme un (on espère l’ultime) déclencheur de l’indignation citoyenne qui s’est traduite par la manifestation du vendredi 12 octobre 2018. Des professeurs ainsi que certains parents d’élève refusent d’intégrer ou de faire intégrer à leurs enfants l’établissement dans lequel depuis 2017 on a relevé jusqu’à 11,4 fibres d’amiante par litre d’air alors que la valeur limite d’exposition est fixée à 5 ! Pire encore, quand on apprend que le CHSCT (Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail) académique avait 30 ans auparavant (1987) déjà alerté les gestionnaires, exploitants et propriétaires de l’établissement (la région et l’Education Nationale) sur le danger présenté par l’amiante dans ces locaux et auquel étaient exposés élèves et enseignants. Source Libération
A savoir : Selon la plaquette de l’Andeva « Chaque établissement devrait avoir un DTA (dossier technique amiante) récent, indiquant où il y a de l'amiante, dans quel état et comment protéger les occupants. Or ce document est souvent incomplet, obsolète, voire carrément inexistant…Le repérage de l'amiante, l'évaluation de son état et le désamiantage incombent au propriétaire des locaux : la mairie pour une école primaire ou maternelle, le département pour un collège, la région pour un lycée. Le chef d'établissement doit demander le dossier technique amiante (DTA) et le communiquer au personnel et aux parents qui le demandent.»
Une manifestation de plus sera-t-elle suffisante ?
Ce n’est pas la première fois que l’ANDEVA (Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante) organise une telle manifestation comme celle du 12 octobre 2018 à Paris. En 2017, soit un an auparavant, l’association mobilisait afin que des poursuites pénales soient engagées contre l’impunité de certains responsables des décès, maladies et troubles dont ont été victimes des personnels exposés à l’amiante. Depuis, rien ne change beaucoup en raison (apparemment) d’un vide juridique en Droit Français qui ne permet pas de poursuivre pour mise en danger de la vie d’autrui une exposition dont ni la date précise, ni la durée ne peuvent être fixées précisément. Mais même s’il semble que le scandale de l’amiante ne puisse jamais être jugé au moins au même titre que celui du sang contaminé, il n’empêche que ce n’est pas une raison pour laisser encore courir les dangers d’une exposition à l’amiante à nos concitoyens et aux plus vulnérables d’entre eux, les enfants. C’est pourquoi cette dernière manifestation a pour but de sensibiliser l’opinion afin que des millions d’élèves dans des dizaines de milliers d’établissements scolaires construits avant l’interdiction de l’amiante (1997) soient protégés ainsi que les professeurs et employés de ces écoles, lycées, collèges appartenant de surcroît à des organismes publics.
L’Andeva l’association victime de son succès
C’est peut-être une des seules associations en France qui souhaiterait ne pas croître car elle est celle des victimes de l’amiante, et qui pourtant risque de voir son succès exploser dramatiquement.
Les plus de 100 000 décès dus à l’amiante jusqu’à aujourd’hui ne sont que le préambule d’un désastre encore plus grand. Il est reconnu que même une brève exposition aux fibres d’amiante peut avoir des conséquences sur la santé et que ces conséquences peuvent ne se déclencher que 20, 30 ou même 40 ans après cette exposition même fugace et indécelable hors repérage ou diagnostic préalable des locaux.
L’association ainsi que les milliers de manifestants et les sympathisants qu’elle mobilise exigent donc Un plan d’éradication totale de l’amiante des écoles, lycées et collèges dans chaque région, avec une date de fin de travaux et une priorité aux situations les plus dégradées afin que soit effectué un repérage de l’amiante dans tous les établissements scolaires, publics et privés, sans aucune exception, la mise en ligne des DTA sur les sites Internet des établissements, et bien évidemment, le cas échéant, les travaux de désamiantage pendant les vacances scolaires, en l’absence des élèves et par des entreprises qualifiées.
SASU au capital de 100 000 EUR | Immatriculée au RCS de Bayonne sous le numéro unique d'identification 490 097 888