C’est un fait, la notion de présence de radioactivité dans les biens immobiliers n’est plus un fantasme d’auteurs de science-fiction, mais bel et bien un risque à prendre en compte dans quelques transactions immobilières.
Si parfois des médias ont fait leurs unes en qualifiant de ‘diagnostic radioactivité’ le signalement obligatoire du taux de radon, il reste que quelques biens immobiliers ont été irradiés du fait d’activités d’entreprises qui les ont occupés. Un récent arrêt de la Cour de cassation vient nous alerter sur les rapports entre radioactivité d’un local et garantie de vices cachés lors de la vente d’un bien immobilier.
En plus du potentiel radon et du diagnostic pollution des sols, faut-il exiger une mesure de la radioactivité ambiante avant d’acquérir un bien immobilier ?
C’est un arrêt récent qui risque de faire jurisprudence dans le cadre du rapport entre radioactivité ambiante et garantie de vice caché de la construction. Le cas où un acquéreur avait acheté un immeuble dans lequel des travaux employant des sources radioactives y avaient été effectués. Pour rappel, des sources radioactives sont régulièrement employées dans de nombreuses activités industrielles, mais aussi médicales et alimentaires.
Dans ce cas, si, comme le stipulaient les propriétaires le compteur Geiger chargé de mesurer la radioactivité du lieu n’y crépitait pas plus que dans une maison en granit en Bretagne (présence de radon), il reste que lorsqu’ils ont décidé de vendre ce bien immobilier, ils n’ont pas jugé utile d’y faire effectuer des mesures de radioactivité ambiante.
Par contre, lorsqu’ils ont voulu le vendre, leur acquéreur n’a pas du tout apprécié d’avoir acheté un bien immobilier radioactif et a demandé l’annulation de la vente en raison de ce niveau de radioactivité ambiante.
Dans son arrêt du 27 mars 2007, la Cour de cassation a donné raison aux acheteurs en reconnaissant la responsabilité du vendeur dans sa volonté de masquer la présence connue de radioactivité ambiante dans le bien vendu et a donc fait jouer la clause de garantie de vice caché de la construction.
Les potentiels acheteurs d’immobilier ne s’attendent raisonnablement pas à envisager une radioactivité ambiante d’un bien immobilier. S’il est notoire que des locaux servant à dans certains secteurs d’activités spécifiques comme la radiologie (hôpitaux, cliniques, chirurgiens dentistes…), l’industrie (gammagraphie, tomographie, diffractométrie…) emploient des sources de rayonnement ionisant, c’est bien moins connu pour ceux où sont effectuées des mesures aussi bien d’épaisseur du papier que d’empoussièrement de l’air ambiant ou de présence de plomb dans les peintures…
Pourtant l’usage de sources radioactives s’étend bien au-delà ; selon l’Agence de Sûreté Nucléaire (Source ASN) :
« À faible dose, l’irradiation sert à inhiber la germination (pommes de terre, oignons, ail, gingembre), à désinsectiser et déparasiter les céréales, les plantes légumineuses, les fruits frais et secs, les poissons et viandes, à ralentir le processus physiologique de décomposition des fruits et légumes frais.
À dose moyenne, l’ionisation par irradiation permet la prolongation de la conservation des poissons frais, des fraises, l’élimination des agents d’altération et des micro-organismes pathogènes sur les fruits de mer, les volailles et viandes (produits frais ou congelés), et l’amélioration technique des aliments, par exemple l’augmentation du rendement en jus du raisin ou la diminution de la durée de cuisson des légumes déshydratés.
À forte dose, l’ionisation permet la stérilisation industrielle des viandes, volailles et fruits de mer, des aliments prêts à l’emploi, des rations hospitalières, et la décontamination de certains additifs et ingrédients alimentaires comme les épices, les gommes, les préparations d’enzymes. » .
Au final, on prend alors conscience que bon nombre de locaux professionnels sont susceptibles d’avoir vu en leurs murs employée au moins une source radioactive sans que l’acheteur en ait été informé avant l’achat.
A moins d’en demander la liste exhaustive des activités exercées et des équipements employés, tout acheteur d’un local industriel ou commercial est susceptible d’acquérir un bien immobilier radioactif.
En février 2018 devrait paraître le décret obligeant à notifier le niveau d’exposition au radon (gaz radioactif naturel) dans l’ERNMT (État des Risques Naturels, Miniers et Technologiques). Mais il ne s’agira que d’un niveau de risque d’exposition au radon et non d’une mesure de la radioactivité ambiante alors que tout bien immobilier peut avoir un jour abrité une activité industrielle, commerciale ou médicale employant des sources radioactives.
Rien dans les diagnostics immobiliers obligatoires avant la vente ou la location n’oblige jusqu’à présent à fournir une mesure de la radioactivité des locaux ; quant au niveau de risque radon dans l’ERNMT, il ne sera qu’une estimation de la radioactivité naturelle du sol et non une mesure d’émissions radioactives au sein d’une construction. Que faire d’ici là et même après ?
Dans le cas d’un local ou d’un terrain ayant notoirement accueilli une ICPE (Installation Classée Pour l’Environnement), le diagnostic pollution des sols peut contenir une mesure du niveau de radioactivité si tant est que l’usage de sources radioactives dans cette installation a été notifié. En ce cas, dans le principe français du ‘pollueur-payeur’, il appartient au dernier propriétaire connu de procéder à ses frais aux opérations de dépollution (y compris radioactive) et de réhabilitation lorsque celles-ci sont possibles.
A savoir : Parce que de nombreuses entreprises employant des matières radioactives se sont montrées défaillantes pour assumer les opérations de dépollution des sites qu’elles avaient contaminés, il a été créé la Commission Nationale des Aides dans le domaine Radioactif (CNAR) qui attribue et pilote des subventions publiques de remise en état des sites pollués par des substances radioactives.
Dans les autres cas, il paraît indispensable lorsqu’il y a suspicion d’emploi de matériel contaminant ou d’emploi de sources radioactives dans la construction convoitée, soit de demander la réalisation d’une mesure de radioactivité ambiante avant de signer une promesse de vente, soit de notifier comme mention conditionnelle de la vente l’absence de radioactivité du bien.
Pour mémoire, l’arrêt de la Cour de cassation cité en référence n’a pu condamner les vendeurs qu’en raison de la connaissance par ces derniers d’une radioactivité du site. S’ils n’en avaient pas eu connaissance de bonne foi (et notamment s’ils ne s’en étaient pas vantés aux journalistes), la garantie de vice caché de la construction aurait joué et l’acquéreur n’aurait pu contester la transaction et obtenir son annulation ou une contrepartie.
SASU au capital de 100 000 EUR | Immatriculée au RCS de Bayonne sous le numéro unique d'identification 490 097 888